Paradoxe

5 décembre 2017

Temps de lecture : 2 minutes

Je suis allongé tête dans l’eau à l’avant du bateau, sans masque, je me
tiens au mouillage. Le long duquel François est descendu avec trois
plongeurs, faire des techniques. Il m’a dit :  » entraîne-toi à dissocier
ta respiration. Je ne peux pas t’emmener en plongée de nuit si tu n’es
pas capable de rester sans masque « . J’essaie et j’essaie encore. Yeux
ouverts et nez libre, je ne peux pas aspirer l’air du détendeur par ma
bouche : ma glotte bloque ma trachée et provoque des spasmes dans ma
gorge. Si malgré tout de l’air passe, il file dans mon estomac. A chaque
essai raté, je sors la tête de l’eau en suffoquant, en rotant. Je
recommence, j’aime tellement la plongée. Et je comprends que plonger sans
masque n’est pas seulement important pour les plongées de nuit. Je ferme
les yeux, je me bouche le nez avec ma main libre. Je respire par la
bouche. Ca va bien. C’est le froid sur mes yeux et les muqueuses du nez
qui provoquent les spasmes. Je retire ma main de mon nez. Je respire par
à-coups, la glotte bloque puis libère le passage. Quand je me sens calme,
la respiration fluide, j’ouvre les yeux. Et là, tout bloque, c’est
douloureux, je sors la tête de l’eau.  » J’y arriverai jamais. La plongée,
c’est foutue pour moi « . J’essaie, j’essaie encore. Toujours le même
résultat. Alors j’accepte mon sort, j’accepte de n’être pas fait
physiologiquement pour la plongée, j’accepte de renoncer à la plongée. Je
suis calme et détendu, serein. J’essaie une dernière fois pour ne pas
avoir de regret. Et là tout va bien. Je libère mon nez et j’ouvre les
yeux sans aucun problème ! Je respire tranquillement. Je reste plusieurs
minutes comme ça. Et puis, je retente le coup, la phase critique c’est le
froid sur le nez et les yeux. Et ça refonctionne. Je passe directement de
l’air à l’eau, yeux et nez libres. Si je me détends, si je m’accroche à
l’idée que  » je sais le faire  » alors ça marche. Les bulles des plongeurs
signalent l’arrivée de la planquée. François en tête. Sans masque, ma
vision est floue, mais je vois le signe que m’adresse François : pouce et
index en cercle, les autres doigts tendus.  » Tout va bien « . Oui, tout
va bien !!! Et le soir même, j’ai fait ma première plongée de nuit. La
morale de cette histoire ? La quête forcenée de la performance peut
empêcher la performance. Accepter l’échec peut conduire au succès.
Paradoxe…

Homme, 51 ans