Appendicite et cigarettes (texte)

12 mai 2013

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Ouaaakha ça s’est passé en Roumanie, en 1979, me dit Liviu, mon prof de danse à Casa.
J’ai 14 ans et je suis en internat pour étudier le ballet. A ce moment-là, on commence à être un peu plus masculins, à faire des bêtises, à regarder les filles… On commence à fumer ! Pour les impressionner. On va à la pharmacie et on achète des cigarettes médicinales, même pas des vraies ! On prend une boîte de 50, pas une boîte de 20, comme on est plusieurs, et on partage, ça fait chacun deux cigarettes. Dès qu’on les a, on se met à fumer dans la rue, comme on est tous des hommes, tous des grands, et là une collègue de classe nous voit et part le raconter à la prof. Le lendemain, grand scandale, dans toute l’école ! La prof nous menace d’appeler les parents, mais les parents, les pauvres, ils habitent à 400 km de la ville où on est. C’est une catastrophe s’ils viennent, on va se faire tuer ! J’ai peur, j’ai peur de mes parents, de comment ils vont réagir, je panique, et là me vient une grande idée : me faire interner à l’hôpital en simulant une crise d’appendicite ! Je vais voir la surveillante, je croise les yeux, je me tords, je lui dis que j’ai un p’tit peu mal là. Elle me croit, me fait un billet de sortie, j’arrive à l’hôpital et trois heures plus tard, safi, ils m’ont retiré l’appendice !
A l’hôpital en plus je suis comme un pacha ! Je mange bien, koulshi mzian… Mais bon, c’est trop beau, mes collègues, pendant ce temps, à l’internat en profitent pour rejeter toute la faute sur moi : C’est Liviu ! C’est lui qui a acheté les cigarettes! C’est lui qui fait toutes les bêtises, qui nous a mis les cigarettes dans la bouche ! Voilà les amis. Et, moi, je suis là, tranquille, à l’hôpital, comme à l’hôtel Marrakech 5 étoiles, et je sais pas ce qui arrive dehors, je sais pas que mon père, en fait, m’attend. L’opération de l’appendicite c’est rien. Deux heures après, je jouais déjà au foot mais ils me gardent quand même deux jours et puis je dois partir. Après 3 jours, safi !
Je sors de l’hôpital, en réalité je marche tout à fait normalement, ça se voit pas que j’ai été opéré. Mais quand je vois mon père de l’autre côté du trottoir, d’un coup je prends la position du malade : je mets la main sur la cicatrice, je me bosse le dos, je geins aaaaah oh papaaa ! Je veux commencer à me justifier sur l’histoire des cigarettes, mais mon père, quand il me voit dans cet état dramatique, oublie toute la discussion qu’il a eu avec le directeur et me dit : Liviu ! Arrête, s’il te plaît, tu viens d’être opéré, repose-toi. Alors, je continue à faire mon théâtre, à jouer au Malade imaginaire. Et c’est ainsi que, grâce à cette histoire j’ai pu faire carrière à l’époque en Roumanie, que je suis devenu un grand artiste, hamdoulillah !